Observations atmosphériques, Lille, été 2017
De la « poussière » à tous les étages !
L’actualité atmosphérique du mois d’août est riche en évènements. Une équipe du LOA en fait une analyse fine grâce aux campagnes de mesures en région, plateformes instrumentées et réseaux de surveillance de la qualité de l’air. Ils observent ainsi qu’une grande variété de particules se partage les étages de l’atmosphère jusqu’à 20km d’altitude.
Ioana Popovici, doctorante CIFRE au LOA sous la direction de P. Goloub et de S. Victori (CIMEL) ainsi que Florin Unga, chercheur post-doctorant au LOA ont mis en œuvre le système d’observation mobile CaPPA (Fig. 1) dans le cadre d’une campagne de mesures atmosphériques qui s’est déroulée fin Août à Paris. Cette campagne s’inscrit dans le cadre du projet ACTRIS-FR et des études régionales de variabilité entreprises par le labex CaPPA et le CPER CLIMIBIO.
En opération sur le site instrumental du SIRTA (Palaiseau), les données du système mobile et des instruments de mesures du SIRTA montrent un phénomène atmosphérique peu fréquent depuis plusieurs décennies, la présence d’une épaisse couche1 de particules aérosols dans la stratosphère, entre 18 et 20 km. La présence de cette couche est liée aux feux de forêts canadiens, malheureusement très intenses depuis le mois d’Août. Le système mobile a pu détecter et suivre, au cours de son trajet de retour de Palaiseau à Lille, cette couche remarquable, le 29 août après-midi (Fig. 2).
Ce qui a surpris les chercheurs, c’est l’altitude extrême de ces couches. D’autres couches, déjà plus hautes qu’à l’ordinaire (> 12 km), sont détectées par les différents systèmes LiDAR du LOA depuis la nuit du 19 au 20 août (Fig. 3). Le réseau de LiDAR européen EARLINET/ACTRIS, dont la station lilloise fait partie, a également détecté ces très hautes couches de particules visibles d’Evora (Portugal) jusqu’à Bucarest (Roumanie). Enfin, le LiDAR opérant sur le second site instrumenté du LOA, situé à Dakar (Sénégal), a aussi détecté la présence de particules entre 17 et 18 km. Toutes ces couches sont situées au-dessus du sommet des plus hauts nuages de la troposphère qui culmine à nos latitudes à 11 km et à environ à 15 km à Dakar. Si hautes, ces particules ne sont pas lessivées par la pluie ou les orages. Elles resteront donc assez longtemps en suspension au-dessus de nos têtes. Ces particules, très riches en carbone, diffusent et absorbent une partie du rayonnement solaire. Elles réchauffent ainsi localement et momentanément les couches d’atmosphère qui les contiennent et rafraichissent quelque peu la surface terrestre en réduisant localement le flux solaire à la surface de la terre d’une dizaine de pourcents.
L’actualité atmosphérique est décidément dense en cette fin août, puisque dans le même temps, le Sahara qui nous a apporté quelques journées caniculaires, en a profité pour enrichir la basse troposphère avec des aérosols désertiques distribués entre 0 et 5 km d’altitude.
L’histoire ne s’arrête pas en si bon chemin, puisque les émissions locales de particules ont fortement augmenté à la surface dés le 26 août et pendant quelque jours jusqu’à dépasser les seuils réglementaires, imposant à l’agence de qualité de l’air régionale, ATMO HDF, de publier un bulletin d’information.
En cette période de rentrée et de derniers retours de vacances, les routes ne donc sont pas les seules à voir la densité du trafic s’accroitre. L’acuité des systèmes de détection LiDAR Lillois nous révèle que tous les étages de l’atmosphère sont le siège de transports de particules d’origine fort lointaine !
Par Philippe Goloub, Ioana Popovici, Florin Unga, Qiaoyun Hu et Thierry Podvin
LOA, 31/08/2017
[1] Epaisseur géométrique supérieure à 1 km, épaisseur optique comprise entre 0.10 et 0.15, au maximum du spectre solaire.